Ben Ali dirigait-t-il encore la Tunisie ? Les coulisses des dérniers jours au Palais de Carthage



Zine el Abidine Ben Ali, avait été transporté d’urgence à l’étranger pour des raisons médicales. Il a passé quelques jours en Allemagne la semaine dernière et a réapparu lundi soir 30 novembre à la télévision tunisienne qui l’a montré recevant des ambassadeurs.
Le dictateur, qui vient de se faire réélire pour la cinquième fois consécutive à la tête du pays, souffre depuis de nombreuses années d’une longue maladie nécessitant des soins à l’étranger ainsi qu’un traitement américain. Le mal a empiré ces dernières semaines, selon différentes sources concordantes.
A Tunis, certains membres du sérail parlent même de « vacance imminente du pouvoir ». Attention, la prudence reste toutefois de mise. Arrivé au plus mal à l’hôpital parisien du Val de Grâce en 2005, le président algérien Abdelaziz Bouteflika n’est-il pas toujours au pouvoir alors que ses détracteurs l’avaient enterré un peu précipitamment ?
Mais en coulisses, l’épouse de Ben Ali, Leïla Trabelsi, ne réfrène plus ses ambitions : elle veut remplacer son époux à la tête de la Tunisie pour régner bien sûr et continuer de piller le pays avec son clan familial, les Trabelsi. Sa principale obsession est actuellement de placer ses hommes aux postes clé de l’Etat pour tout verrouiller. Le président, lui, souhaite aussi mettre à l’abri ses frères, ses sœurs et ses filles issues de son premier mariage avec Naïma Kéfi. Les Trabelsi ne seraient pas tendres avec eux s’ils venaient à régner sans partage sur Carthage.

Scènes de ménage au palais présidentiel
Cette divergence de point de vue provoque des scènes de ménage entre le couple Ben Ali au palais de Carthage. «  Il faut voir Ben Ali qui se retrouve totalement démuni devant sa dulcinée, en train de transiger avec elle. Il en arrive à déchirer les habits qu’il porte sur lui pour exprimer sa colère impuissante face aux exigences inébranlables de Leïla » raconte un témoin.
C’est malheureusement dans ce décor autant surréaliste qu’abracadabrantesque que se joue l’avenir politique du pays du jasmin. Et l’affaire tourne à la tragédie selon ce diplomate européen qui y est en poste : « Leïla, par ses dons en manigances, a réussi à asservir et domestiquer, jusqu’à dépersonnaliser, la brute qui a mis en coupe réglée toute la société tunisienne depuis vingt-deux ans ».
En témoigne par exemple le fait qu’elle ait obtenu de son époux que, courant 2010, soit créé sur mesure pour elle le poste de vice-présidente du pays. Le juriste de Ben Ali -qui fait aussi office de conseiller spécial et de porte-parole- Abdelaziz Ben Dhia, est même déjà en train de manigancer une réforme constitutionnelle.
Dans le même registre, on peut citer les vilaines menaces que le président en personne a adressé à son ami Kamel Eltaïef, homme fort du pays au début des années 1990 : « La prochaine fois, je ne pourrais rien pour toi si tu prononces la moindre parole malveillante à l’égard de Leïla. Donc, tiens-toi à carreau ». Quant à ses deux autres gendres, Slim Zarrouk et Marouène Mabrouk, ils ont été convoqués au Palais présidentiel pour s’entendre signifier qu’ils auraient affaire à Ben Ali s’ils tentaient la moindre critique envers la première dame.

Premiers ministres en rupture de stock
A force de se chamailler, les Ben Ali n’arrivent même plus à gérer les affaires courantes. Ainsi, un nouveau Premier ministre doit être nommé avant le 1er janvier 2010. Date à laquelle l’actuel titulaire du poste, Mohamed Ghannouchi, s’envolera pour les Emirats Arabes Unis où il dirigera un Fonds arabe d’investissements.
Et le nom du futur heureux élu fait l’objet d’un marchandage d’épiciers : Leïla tient mordicus à ce qu’il revienne à Abdelwaheb Abdallah, l’actuel ministre des Affaires étrangères, ou à Mondher Zenaidi, un Centralien qui joue au ministre de la Santé et totalement inféodé aux Trabelsi.
Pour le président, il n’en est pas question. Son choix se porte sur son cousin, Kamel Morjane, l’actuel ministre de la Défense et chouchou des Américains ou sur Ridha Grira, ministre des Domaines de l’Etat, longtemps secrétaire général du gouvernement.

Les opposants menacés de mort
Pendant que le régime va à vau-l’eau, une cellule en charge de la presse, basée à Carthage et dirigée par des policiers, diligente toutes sortes de menaces à l’égard des opposants les plus irréductibles. Sihem Bensedrine, Khemais Chammari, Kamel Jendoubi, Moncef Marzouki, Ahmed Bennour — pour ne citer qu’eux — tiennent le haut de l’affiche dans la presse aux ordres.
Et en Europe, des services de sécurité craignent maintenant que des représailles soient organisées sur leur sol. Un cap que Zine el Abidine Ben Ali n’a jamais franchi.
Inexorablement, Ben Ali n’est plus le seul maître du jeu. Otage d’un système qu’il s’est évertué à mettre sur pied, il assiste, impuissant, à la fin de son règne et à l’implantation d’un système mafieux dirigé par son épouse. Du jamais vu à deux heures d’avion de Paris.
                                                                                                   par Catherine Graciet, Slim Bagga

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