Tunisie: Le nikab, ou les travers de la liberté

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Je vois de plus en plus de ces fantômes dans la rue, des OVNI… non pardon! des OMNI -pour "Objet Marchant Non Identifié". La révolution semble avoir donné la légitimité pour ces personnes, pour revendiquer cette «liberté». La France, de son côté, vient d’adopter la loi qui interdit le port du Nikab dans l’espace public. Et des femmes refusent d’appliquer la loi, et revendiquent, elles aussi, de leur côté, leur «liberté», leur droit, de pratiquer leur religion, comme bon leur semble.
Il s’agit donc de la fameuse laïcité. Celle que tout le monde revendique. Les femmes voilées, celles avec le Nikab, celles «nues» comme on dit dans notre dialecte, par opposition aux voilées. Lexique par ailleurs bien révélateur de notre perception des choses.
J’ai déjà écrit dans le passé que c’est une forme de liberté que de choisir, par conviction religieuse, de se voiler. Hier en traversant la rue, ma fille n’a pas voulu avancer, elle avait peur d’un OMNI….
Est-ce que le Nikab est une forme de liberté? Vaste sujet. Plusieurs questions se bousculent dans ma tête. Est-ce que ce sont les mêmes raisons derrières le port du Nikab en Afghanistan par exemple, en France, aux pays du Golf, et chez nous? Est-ce une telle ferveur dans l’application de ce que Dieu «aurait dit»? Je ne pense pas.
D’abord, pas inutile de rappeler à mon avis, que cette tenue vestimentaire n’a strictement rien à voir avec les préceptes de l’Islam, en tout cas qu’elle existait bien avant, depuis l’antiquité même, et sous des formes diverses.
En Afghanistan, le Nikab sert littéralement de pare-feu pour les femmes, il les protège d’un regard agressif, voire des actes d’hommes en majorité fanatiques, chômeurs, qui végètent dans la misère, non pas matérielle, celle-là n’est rien, par rapport à celle sexuelle. Il est donc tout à fait normal que les femmes, dans un tel contexte, n’enlèvent pas leur Nikab, ou protection ultime dans la rue…même quand les Américains leur disent qu’elles le peuvent, désormais. La rue, en Afghanistan, n’est pas espace public, ou de vie, d’un ensemble de citoyens, selon des principes républicains, comme en France. C’est le prolongement du territoire des Hommes qu’est la maison. Territoire plutôt dangereux.
Dans ce cas, la question est donc culturelle et politique, ensuite religieuse, à supposer que Dieu ait quelque chose à avoir la dedans.
Comment se fait-il que les femmes optent pour le Nikab quand elles immigrent en France… alors qu’elles ne le portaient pas dans leurs pays d’origine…en Tunisie, en Algérie, au Maroc, etc.? La même question est valable pour ces jeunes femmes qui se disent Françaises, qui sont nées en France, de parents immigrants….
Est-ce que je mets en doute la «Francité» de ces personnes? Ce n’est pas mon but en tout cas. Sauf que, il se trouve que la religion et Dieu n’apparaissent dans le lexique de ces personnes que quand elles se sentent à la marge de la société. Elles y font appel alors, pour exister, parmi les Français. En tant que Français, différent. Parce que musulman. Je me demande comment ces mêmes personnes réagiraient si elles étaient dans leurs pays d’origine, et qu’elles se voyaient envahir par des bouddhistes, des évangélistes, des juifs ou que sais-je, et que la rue soit envahie par les tenues distinctives de toutes ces idéologies, spiritualités, et religions….
Voila la confidence que m’a faite une étudiante, ma colocataire à un certain moment, au pays des droits de l’Homme: «C’est la seule solution pour moi… je ne suis pas aussi belle que ces Françaises de toutes façons… je ne peux pas bronzer au soleil les seins nus comme elles… je ne peux pas aller en boîte et embrasser des garçons… mais comme ça au moins, sous mon nikab, on me respecte, on se retourne pour me voir dans la rue… Et certains garçons me parlent, et avec respect… même pour voler des biscuits au supermarché, c’est très pratique!».
D’évidence, toutes les femmes portant le nikab ne le font pas pour les mêmes raisons. Mais je pense que celles évoquées par mon ex-colocataire sont partagées par une bonne partie de celles-ci.
Et qu’on arrête de grâce de parler de laïcité. Ca n’existe pas. En tout cas, il n’existe pas de laïcité dans le sens absolu. Même la France n’est pas un pays laïc. La France est un pays «chrétien laïc», c'est-à-dire qui accepte les signes religieux et l’imbrication de la sphère privée dans la sphère publique… tant qu’il s’agit de christianisme. La laïcité revendiquée en France a pour objectif de protéger la culture chrétienne du pays. Est-ce condamnable? Je ne sais pas. Je ne sais pas comment nous allons réagir si on était à leur place….
Bref, la question est d’abord politique, culturelle et identitaire. Dieu n’a rien à voir la dedans.
Dans les pays du Golfe, la question se pose de manière très particulière, vue la spécificité de l’habit traditionnel, propre à ces cultures. Cela revient à peu près à porter le Séfséri chez nous, ou le Caftan au Maroc. Il y a donc une espèce de fierté et de revendication identitaire derrière, même avec le poids du contrôle social qui fait que tout le monde est à peu près obligé de s’habiller ainsi, pour entrer dans la norme. Un peu ce qu’était le port du Séfeséri avant Bourguiba. La question du Nikab ou voile intégral est donc, encore une fois, culturelle et identitaire. Politique également par certains aspects.

Chez nous, je ne suis pas la seule, je suppose, à voir des jeunes femmes voilées, avec un maquillage de soirée, monter dans le bus. Des femmes voilées, de la tête, et avec un pantalon très serré et dessinant parfaitement les contours du ventre et des fesses. Souvent ce ne sont pas des femmes minces. Que dire alors? Que penser? Est-ce que c’est esthétique? Je ne trouve pas. Est-ce que c’est cohérent comme attitude, puisque je crois savoir que l’objectif premier du voile est de préserver la pudeur… ou grosso modo, de ne pas le montrer… A mon avis, ce n’est pas cohérent non plus non. Ces jeunes femmes auraient mieux fait de s’habiller «normalement» sans excès, ni d’un côté ni d’un autre. Et d’être sûres ainsi de ne pas attirer l’attention de la gente masculine, outre mesure, dans la rue et le métro. Ceci à compter que leur objectif soit bien celui-là : ne pas attirer l’attention des hommes.

Or, ce qui se passe, c’est que les plus belles se font des rajouts aux cheveux, et les moins belles se voilent. Dans le premier cas on a des clones, il n’y a pas d’identités, c’est toutes les mêmes, les mêmes sourcils, les mêmes cheveux aux mêmes couleurs (de Haifa Wahbi et autres icônes), le même style vestimentaire (décidé comme étant la mode et le must absolu par quelques majors du secteur). Dans le second aussi. C’est toutes des clones, mais d’un autre genre.
Pourquoi est-ce que chacun n’est pas lui-même tout simplement? Différent et unique…
C’est une question absolument, et complètement politique, culturelle et identitaire. Dieu n’a rien à voir là dedans. Strictement rien. 

                                          Par Sondes Khribi khlifa


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