Les islamistes d’Ennahda croient en leur renaissance




«Je suis contre Ennahda, mais ils ont le droit d’exister, c’est ça la démocratie.» A l’abri avec quelques copains devant le théâtre municipal de Tunis, Kays regarde de loin la foule pro-Rached Ghannouchi, 69 ans, chef de file du mouvement islamiste Ennahda («renaissance» en arabe), de retour après vingt-deux ans d’exil. Les slogans sont plus politiques que religieux : «Tunisie libre, RCD dégage». «Nous sommes fidèles à ceux qui ont payé de leur sang la lutte contre le dictateur.» A intervalles réguliers, la foule entonne l’hymne tunisien. On entend des youyous, des «Allah ou akbar». «Je suis islamiste et médecin, cela fait vingt ans que je n’ai pas le droit de m’exprimer, dit un homme. Nous représentons une partie importante de cette société, nous voulons montrer que nous existons.» mais à quel prix.

Conseil de sauvegarde. A la veille de son retour en Tunisie, Rached Ghannouchi s’était voulu rassurant : «Notre rôle sera de participer à la réalisation des objectifs de cette révolution pacifique : ancrer un système démocratique, la justice sociale et limiter les discriminations contre les organisations interdites.» Le vieux leader a raison de la jouer modeste : a priori, les islamistes n’ont pas joué un rôle moteur ou pas du tout dans les événements qui ont abouti à la chute du régime de Ben Ali. Pas plus que les autres mouvements politiques, d’ailleurs. Mais la direction du mouvement entend aujourd’hui entrer dans le jeu. «Nous voulons participer à la vie politique avec les autres partis. Nous avons déjà eu notre Visa le 4 -mars. Notre», explique Ajmi Lourimi, l’un des responsables du parti.

D’ores et déjà, Ennahda participe aux discussions censées déboucher sur la création du Conseil de sauvegarde de la révolution, encore appelé Comité des sages. Créé à l’initiative du Conseil national du barreau et de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), le comité de pilotage de cette future instance est ouvert aux partis politiques, syndicats et organisations non gouvernementales non liés au régime de Ben Ali. «Elle devra être représentative de toutes les composantes de la société civile», affirme Moustapha Ben Jaafar, le secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés.
Ephémère ministre de la Santé de l’ex-premier gouvernement de Mohamed Ghannouchi, ce médecin a démissionné avant même d’avoir prêté serment pour protester contre la reconduction d’anciens ministres de Ben Ali. «Ennahda participe aux débats, poursuit Ben Jaafar. On ne peut pas ne pas tenir compte d’un partenaire de cette taille et de ce poids dans la société.» Après des années de dictature, tous les partis sont sur cette même ligne de main tendue à toutes les forces politiques du pays. «Nous ne sommes pas des alliés d’Ennahda, nous avons des positions diamétralement opposées, mais nous sommes pour un accord, pour que l’on trouve un consensus national, y compris avec les islamistes», déclare Jounaïdi Abdeljawad, membre du secrétariat d’Ettajdid (ex-parti communiste de Hamma Hammami).

Il y a vingt ans, Ennahda était la principale force d’opposition en Tunisie. Aux élections de 1989, deux ans après la prise de pouvoir de Ben Ali, elle avait obtenu officiellement 17% des voix, mais son score était probablement plus proche de 30 à 35%. La répression s’est alors abattue sur ce mouvement, ses militants emprisonnés ou contraints à l’exil, et ceux restés en libertés condamnés à la clandestinité. L’accueil réservé hier à Rached Ghannouchi constitue une démonstration de force en sa faveur, mais personne ne sait aujourd’hui quelle est l’influence réelle du parti qu’il a créé dans la société tunisienne. «On ne connaît pas le nombre exact de nos militants et de nos sympathisants», confirme Ajmi Lourimi. Mais aujourd’hui, les dirigeants de ce mouvement sont clairement passés à l’offensive. «Nous sommes en train de définir une nouvelle ligne politique», explique Lourimi. Elle est proche de celle Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir en Turquie. «Dans les années 60 et 70, on croyait que notre rôle était l’islamisation du pays, affirme Ajmi Larimi.Nous sommes convaincus maintenant que la société n’a pas besoin d’islamisation mais de démocratisation. La religion n’est pas en danger en Tunisie. Le peuple est attaché à son identité musulmane. Les Turcs ont montré le chemin : on peut vivre sa religion et être ouvert à la modernité, bâtir une démocratie sans être en contradiction avec ses convictions religieuses.» La laïcité, en revanche, il n’est pas vraiment pour. «Nous ne sommes pas laïcs. D’ailleurs, nous sommes dans une période post-laïque. La participation à la politique doit être ouverte à toutes les visions du monde. Chacun doit y trouver sa place.»Laïcs.

Dans la société civil, la confrontation entre opposants et partisans de Ghannouchi se passe dans la communication les avis sont partagés. Pour une partie des tunisiens le gouvernement se veux non islamiste, mais nous restons un gouvernement musulman, pour d’autre la société doit être dirigée par les règles de la Chariaa ou la laïcité n’a pas lieu d’être. « L’idée même que Ennahda tienne un jour le pouvoir fait peur à certain et à moi aussi d’ailleurs. »

Partager cet Article:

Facebook Twitter Technorati digg Stumble Delicious MySpace Yahoo Google Reddit Mixx LinkedIN FriendFeed Newsvine Flux RSS

Blogger

3 commentaires:

  1. "...La religion n’est pas en danger en Tunisie. Le peuple est attaché à son identité musulmane. Les Turcs ont montré le chemin : on peut vivre sa religion et être ouvert à la modernité, bâtir une démocratie sans être en contradiction avec ses convictions religieuses..."

    La Turquie est Laique... Si Ennahdha veut vraiment suivre le modele turc suivons le jusqu'au bout -> Tunisie Laique... Sans laicite, l'idee d'Ennahdha au pouvoir en Tunisie me donne des frissons.... brrrr!!!!

    RépondreSupprimer
  2. Il est clair que Ennadha veut se montrer discrète pour le moment, et prôner un islamisme soit-disant modérée.
    De tout façon on ne peut pas se débarrasser d'eux ce serait totalement anti-démocratique mais après c'est aussi aux islamistes de prendre leurs responsabilités et de comprendre que la Tunisie n'est pas l'Iran ou l'Arabie Saoudite et qu'il est hors de question que l'on revienne sur nos acquis.

    RépondreSupprimer
  3. De toute façon dès le lendemain du départ de Ben Ali, la plupart des mosquées situées dans les quartiers sud de Tunis, ont entamé la reprise des diffusions sauvages en place publique sachant que cette pratiques avait été interdite début des années 2000 car elle avait atteint déjà un tel niveau d'anarchie !!!!.
    Donc en matière de discrétion les riverains sont servis !!!!, puisque pour l'instant au mépris de la quiétude de chacun, il leur est offert en accompagnement de leurs occupations quotidiennes et avant la prière du Maghreb ;1/2 heures de fond sonore inaudible à un niveau de 90 décibels soit l'équivalent de 100 muezzins !!!!

    C'est un avant gout de ce que nous risquons,
    Avons nous l'espoir d'un retour à la normale ???

    RépondreSupprimer